Vous vous souvenez peut-être du bashing du Fantasia d'Infogrames par le joueur du grenier. Moi oui. C'est devenu une de mes contre-références. Comment un tel jeu a-t-il pu recevoir le "seal of quality" malgré son horrible gameplay?
Le contrôle de Mickey est absolument insupportable. C'est L.O.U.R.D. [...] On aurait fait un jeu avec [un président de France gras] qu'il aurait été plus agile!
Quand vous vous tournez, Mickey a une espèce d'inertie hyper-chiante. [...] C'est pareil pour les sauts. [...] Ils ont niqué le gameplay, mais l'important c'est que la souris magicienne qui parle, là, elle saute de manière réaliste. [...] Ce temps de latence absolument dégueulasse **ruine**le**jeu**: le moindre saut devient incalculable. [si vous ratez votre coup en voulant sauter sur un ennemi], vous ne pouvez pas réessayer parce que votre personnage est obligé de prendre de l'élan et donc il reste figé une demi-seconde pour sauter.
J'ai trouvé quelques éléments de réponse dans la dernière vidéo de Splashwave qui couvre la série "* of Illusion" et Fantasia. Sega avait réussi à obtenir le droit d'adapter les personnages Disney sur leur console et s'étaient retrouvé après un Castle of Illusions qui avait besoin d'une suite et un Disney qui voulait un jeu-promo sur Fantasia pour accompagner à Noël sa ré-édition.
L'enquête splashwave révèle aussi que le développement de Fantasia s'est énormément concentré sur les graphismes, ce qui ne devrait pas surprendre vu l'importance que la firme attache à la fidélité de représentation de sa mascotte. Les designers détachés par Disney auprès des équipes de jeu ne sont sans doute pas des joueurs à cette époque. Il est probable qu'ils n'auront jamais pris la manette en main pour regarder les prototypes, mais ils seront intraîtables sur des oreilles trop grandes ou des pieds trop petits.
Au moment de présenter une démo du salon CES, tout le monde est impressionné par les graphismes, mais il y a encore énormément de travail à faire sur le gameplay: Infogrames avait prévu de s'y attaquer sur la fin du développement. Après la lecture des habitudes de travail de Miyamoto ("faites d'abord un test avec un carré/cube. ça doit être fun à jouer rien qu'avec un cube") et les vidéos des travaux préparatoires de Ori and the Blind Forest, j'en arrivais à me demander "mais quel chef de projet peut laisser le travail avancer autant sans jamais travailler sur le gameplay ?"
Quelques heures plus tard, je retombe par hasard sur une vidéo du prototype de Rayman sur SuperNES et j'ai la réponse: quelqu'un qui est avant tout un graphiste.
L'important pour lui ce ne sont pas les mécanismes de jeu. Ce n'est même pas l'histoire qu'il veut raconter. C'est l'environnement dans lequel le jeu va jouer. Le monde magique qu'il veut sortir de sa tête. Si on le laisse faire, tout son temps va être consacré à dessiner, s'assurer qu'il peut faire tenir ses dessins dans la mémoire de la machine, essayer des effets de transparence, etc. Le déplacement du personnage sera simplifié au point d'être essentiellement un testeur d'animations.
Soyons clair: sur SuperNES pour quelque-chose de plus ambitieux que Mario World au niveau graphique, c'est déjà costaud. Le prototype de Michel Ancel est allé plus loin: il y a des tests de collisions et compagnie. Mais il n'y a rien à faire dans le jeu. Aucun ennemi. Le personnage est lourd à manoeuvrer et on ne sait même pas lancer son poing (juste accumuler de l'énergie pour le lancer plus loin). Pourtant l'environnement est déjà super-détaillé et très varié.
Mais en réécrivant la partie Anglaise de ce post je me rends compte d'un défaut dans mon raisonnement: il ne tient que si le prototype que l'on voit ici est la seule chose qui ait été produite jusque là. Or il est fort possible que des essais d'interaction avec les ennemis aient eu lieu sur une autre machine (sans doute un Atari ST ou un Amiga, à l'époque). Ce n'est pas le genre de code qui demande un expert sur une console 16-bit, alors que vérifier qu'on a assez de couches de graphisme pour faire ce qu'on veut, c'est beaucoup plus difficile à simuler.
Et il est aussi possible que ç'ait été une habitude dans le milieu du jeu vidéo Français: pour convaincre un éditeur potentiel, il aura fallu montrer des graphismes aboutis, peu importe le gameplay ou le nombre d'ennemis différents qu'on affronte. Hors de question en revanche que le personnage ne soit toujours qu'un cube qui se déforme un peu.
Oh, et pour les trivia, selon Splashwave, ce n'est pas parce que le jeu Fantasia était trop pourri que Sega l'a retiré des magasins, mais parce que les gars de chez Disney avaient oublié qu'ils avaient promis à Walt qu'ils ne feraient pas de produits dérivés de son bébé chéri.
2 comments:
Et si on essayait d'adopter le vocabulaire de Kirby Kid, ça aurait donné:
le livre-bonus, le rond-dans-l'eau-plate-forme: form fits function.
les "stages bonus" qui n'en sont pas (todo)
la lenteur de Mickey à réagir aux commandes. (todo)
absence de différence entre un saut et un saut-coup: feedback un-clean-ness.
avant-plan génant: camera clutter.
cf. http://critical-gaming.com/blog/2008/5/13/mechanics-and-abstractions-part2.html
Ah, sinon, nous on a interviewé Yannick Turbé
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