Ok, il y a les jeux qui vous motivent à les imiter, puis il y a les jeux qui vous motivent à faire mieux qu'eux pour prouver que c'est faisable. D'aussi loin que ça remonte, Skunny in the Wild West appartient à cette deuxième catégorie. Alors qu'on rêvait de pouvoir faire nos preuves sur Super Nintendo dans Bubsy, mon frangin ramène une diskette du supermarché avec la version shareware de Skunny. Une sorte de Mr Nutz pour PC ?
côté graphismes, Skunny nous démontre par l'absurde l'importance de la cohérence du style au sein d'un jeu. Un grand nombre des principes que je me suis juré de suivre du point de vue du pixel art vienne d'une négation de ce qui se passait dans ce jeu
- Tu ne numérisera pas des photos pour mettre dans ton jeu
- tu n'utilisera pas des lignes noires pour le contour de tes personnages.
- tu n'abusera pas des dégradés ni des tramages automatiques.
Rien que sur la séquence d'intro, Skunny fait tout l'inverse
Alors oui, ce dégradé pour le ciel est superbe. Et le canyon rend pas trop mal du tout pour du 256 couleurs. L'ennui, c'est que ça ne correspond absolument pas aux personnages ni au terrain du jeu. Exactement comme si vous preniez les playmobils des gamins et que vous les mettiez devant la peinture à l'huile de mamy pour tourner un mini-film avec des arbres en pâte à modeler.
Les personnages aux lignes noires (qui tuent le contraste et les applatissent) donnent un effet grotesque et décalé, style "bip-bip et le coyote". Le jeu devrait donc être humoristique et pris au second degré. Mais le décor, lui, est réaliste et avec perspective et profondeur, ce qui induit une forme de dramatisme. Au final, le mélange a un goût d'artifice. Comme un tour de magie dont on verrait le truc.
Autre exemple, le sol suggère que le les plate-formes se rétrécissent sur les bords gauche et droite. Un peu comme si on était sur un de ces plateaux circulaires. Mais la partie "verticale" de ce même sol reste elle parfaitement plate, sans aucun effet de luminosité ou de torsion de la texture pour soutenir ce que suggère la partie horizontale.
Alors oui, quand Morris dessine son "Canyon Apache", il utilise de l'encre de chine noire pour les traits. Mais l'épaisseur de trait par rapport à la surface du personnage n'a rien avoir avec du pixel art en 320x200. Et il n'a pas non plus besoin de faire de l'anti-aliasing. D'ailleurs, si on zoome sur une des cases de la BD, on se rend compte que les traits ne sont plus noirs, une fois la numérisation accomplie. Ils se sont mélangés avec la couleur de ce qu'ils entourent. Pour donner du brun le plus souvent. Et la résolution des sprites de skunny est 3 à 4 fois plus faible.
Je tente donc d'appliquer ça rapidement au screenshot de skunny. Et j'en profite pour essayer de corriger le dernier problème: l'équilibre entre le contraste de l'avant plan et de l'arrière plan. Les structures sur lesquelles ont doit se déplacer sont extrêmement délavées dans le jeu original, alors que le décor lui est dans des tonalités chaudes.
Or notre oeil à l'habitude que la distance "bleuisse" les choses et atténue les contraste. Il faudrait donc faire l'inverse: pousser le contraste et la saturation de l'avant-plan (et le ramener vers le rouge) tout en atténuant le contraste de l'arrière plan, diminuant également sa saturation en couleur (aller plus vers du pastel, quoi) et le décaler légèrement vers les bleus. Je n'ai pas touché au ciel lui-même: il est suffisamment en-dehors de la zone de jeu.
Et bien sûr, on s'abstient de faire pareil avec les masques gauche et droite. Ils avaient le gros défaut d'utiliser à peu près les même couleurs que le sol dans l'image originale, ce qui augmente encore la confusion.
Bon, ça ne sauverait pas le jeu dont le gameplay est infogramesque au possible (n'espérez pas ramasser plus d'une demi-douzaine de mouton lors de votre première partie), mais au moins on y verrait plus clair.
Bon, en dépit de tout ça, je dois reconnaître un sacré talent de programmation sur le moteur de jeu. Du scrolling parallaxe en 256 couleurs et fluide avec des sprites de cette taille-là, en 1994, j'aurais aimé en voir plus souvent. Et si la musique est répétitive, elle est présente et entraînante comme il se doit. Je ne peux pas m'empêcher de me demander ce que ça aurait donné si j'avais disposé de cette technologie pour réaliser Badman et Bilou... parce que le jeu est Belge! eh oui!
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